vendredi 8 janvier 2016

Chaos de Cologne (2)

 [Lien sur  la première partie]

Quelques échos médiatiques d'Allemagne
(traduits en français par SK, ce 8 janvier 2016) 


Après le limogeage prévisible du préfet de police Wolfgang Albers par le ministre de l'Intérieur de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (NRW), la station régionale de radio-télévision publique WDR (sise à Cologne) publie les informations suivantes sur son site  :

Le ministère de l'Intérieur [de NRW] a confirmé ce vendredi (8 janvier 2016) que parmi les suspects identifiés à ce jour, il y avait également des réfugiés. Selon les informations de la WDR, la police fédérale repéra dans la nuit de la Saint-Sylvestre 32 suspects à la gare centrale, dont 29 étrangers : à côté de trois Allemands, neuf Algériens, huit Marocains, quatre Syriens, cinq Iraniens, un Irakien, un Serbe et un US-Américain ont été identifiés. Parmi ces suspects, 22 personnes en tout seraient des demandeurs d’asile. - Cela coïncide avec les dépositions de témoins, de victimes et de fonctionnaires de police, selon lesquels il s'agirait « en majorité de personnes d'origine nord-africaine ou arabe, âgées entre env. 15 et 35 ans » (rapport de la police de Cologne du 02/01/2016). Selon ses propres déclarations (état : 08/01/2016), la police de Cologne mène actuellement des investigations à l'encontre de 21 suspects au total, dont beaucoup ont certes été identifiés mais ne se trouvent pas actuellement en garde à vue.

À la question sur le nombre d'auteurs impliqués dans les exactions (agressions sexuelles, vols), la WDR répond ceci (loc.cit.) :

Nous ne le savons pas. Selon les rapports de la police de Cologne, plus de 1000 hommes se sont rassemblés sur le parvis de la gare centrale le soir de la Saint-Sylvestre – mais tous n'ont pas agressé sexuellement et volé des femmes. Actuellement, les fonctionnaires étudient les documents vidéo disponibles et exploitent les rapports existants. Selon les déclarations de la police, la plupart des hommes mis en cause sont clairement reconnaissables sur les images et les vidéos enregistrées. - Entre-temps, plus de 170 plaintes ont été déposées (état : 08/01/2016). Environ trois quarts de ces plaintes se rapportent à des agressions sexuelles. Dans 50 de ces cas, les femmes ont en outre été dépouillées. Dans deux cas, les fonctionnaires enquêtent sur des faits de viol.

Une autre question se pose, à savoir si l'on peut parler de « crime organisé » (loc.cit.) :

Le bureau du procureur de Cologne part de ce principe. Le département pour la criminalité organisée y a pris en charge l'enquête, car une entente entre les auteurs en vue d'une action en commun n'est pas exclue. Selon les informations de la WDR, la police enquête depuis un certain temps sur des bandes organisées dont les membres seraient en majorité originaires du Maroc, de Tunisie et d'Algérie. Ils profiteraient également de la situation actuelle des réfugiés : selon ces informations, ils se rendent d'abord à Istanbul pour ensuite regagner l'Allemagne par la route des Balkans comme soi-disant réfugiés.



Selon le journal télévisé de la deuxième chaîne publique allemande (ZDF, Heute, 8/1/2016, 19:00), trois mesures d'urgence sont envisagées par le gouvernement :
  1. Contrôle des personnes indépendamment de tout  « motif de suspicion » (verdachtsunabhängig), ce qui n'est pas actuellement le cas en Allemagne fédérale.
  2. Placement immédiat en détention provisoire en cas de présomption de culpabilité.
  3. Pas d'asile en cas de peine de prison ferme.
Et voici un extrait du commentaire d'Anja Reschke, diffusé ce soir par la première chaîne publique (ARD, Tagesthemen, 8/1/2016, 22:00) :

La nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne va-t-elle tout changer ? Voilà que beaucoup de gens sont en colère contre le gouvernement, contre les médias accusés de donner de fausses informations, contre la police. Ces jours passés, nous avons dû apprendre dans la douleur que certains profitent de cette culture de bienvenue tant vantée. - Les agressions de Cologne furent effroyables, surtout pour les femmes qui en ont été les victimes. Elles ont montré que cette histoire d'intégration s'annonce terriblement difficile. Pour nous tous. Peut-être avons-nous enjolivé cette affaire par de beaux discours. Mais allons-nous flancher,  maintenant ? - C'est de vérité dont nous avons besoin. Si des hordes d'hommes attaquent les femmes, nous devons sévir. Si la direction de la police de Cologne tente de dissimuler l'origine des auteurs, c'est une erreur capitale. Nous ne pouvons nous attaquer aux problèmes que si nous les connaissons..

Pour finir,  quelques passages marquants de deux éditoriaux. Le premier est de Christian Geyer qui écrit dans l'édition du Frankfurter Allgemeine Zeitung de ce 8 janvier  :


Une note a émergé. Avec des expressions bilingues en allemand et en arabe : « Große Brüste [Gros seins] », « Ich will fucken [(sic) Je veux baiser] », « Ich will dich küssen [Je veux t'embrasser] » et « Ich töte sie [(sic) Je vais vous tuer] ». La note a été présentée hier comme un résultat d'enquête par le [quotidien de Cologne] « Kölner Stadtanzeiger ». Un Nord-africain appréhendé nuitamment par la police sur la place de Breslau avait ce papier sur lui, et des photos ainsi que des vidéos de la nuit de la Saint-Sylvestre étaient enregistrées sur son portable. [...] - Mais qu'est-ce que cela change si l'on établit que des Syriens, Afghans et Irakiens se trouvaient non seulement sur le parvis de la cathédrale mais également parmi les agresseurs ? Rien. Ils seraient condamnés comme tous les autres criminels. Les questions à la police et à la justice sur la façon dont ces institutions entendent faire respecter leur monopole de la violence resteraient les mêmes. La désinformation de la police est le fruit de la prémisse politique qui veut que les exactions de Cologne représentent le seul et unique crash test pour la politique des réfugiés (au sens d'une preuve évidente de son échec). [...] -  Pour de nombreuses raisons, la politique à l'égard des réfugiés de la chancelière repose sur des bases fragiles (il y a évidemment un risque pour la sécurité intérieure si les arrivées massives ne sont pas enregistrées, comme les services de sécurité l'ont fait remarquer très tôt, sans même parler des questions d'intégration). Or, pour sa défense, la politique à l'égard des réfugiés de Merkel n'a surtout pas besoin de rapports d'intervention enjolivés. De même que la critique de cette politique des réfugiés n'a pas besoin de styliser le désastre de Cologne en épreuve décisive de la culture de bienvenue. Pour la poussée de désidéologisation, il faut que la voie soit libre. Elle ne doit pas être entravée par des contextes empruntés. [...] - Il existe aussi une forme de désinformation anthropologique qui, subitement, fait comme si le contraire des brutalités de Cologne était un monde idéal auquel tout être humain aurait droit. Ce ne sont pas les réfugiés, mais les caractéristiques humaines qui font barrage.  


Le second est paru à la Une de l'édition papier du Tagesspiegel daté du 9 janvier 2016. Il est signé Karin Christmann :

Être les proies d'une horde d'hommes, être humiliées et blessées par eux avec une corporéité brutale, une supériorité sans gêne, en sueur. Parce qu'ils le peuvent. Et qu'ils le veulent. C'est une peur originelle des femmes. Un scénario contre lequel il n'existe pas de protection absolue. Mais jusqu'à cette nuit de la Saint-Sylvestre, il existait du moins un sentiment de sécurité. - Dans des lieux où il y a beaucoup de monde, où règne une ambiance affairée, cela ne va pas arriver. Là où l'on peut s'adresser aux policiers, en service pour protéger les gens, cela ne va pas arriver. En présence de son époux, de son compagnon, de ses meilleures amies, cela ne va pas arriver. - Ou bien si ? À Cologne, c'est arrivé malgré tout. Le pouvoir de l'État était présent - mais totalement impuissant. Le public était présent - mais complètement désemparé. Personne n'a pu protéger ces femmes. Pourtant la police aurait dû y parvenir. Ce n'était pas une défaillance momentanée, un manque de courage civil. Qu'un homme puisse être victime de violences en public et que les témoins sous le choc perdent leurs moyens, qu'ils n'aient pas le courage d'intervenir, c'est un phénomène connu. Mais qu'en plein centre d'une ville allemande les violences sexualisées se déchaînent en public pendant des heures, ça, on ne connaissait pas (*). [...] La question de savoir si beaucoup de réfugiés se trouvent parmi les suspects, les questions de l'origine et de l'horizon culturel des auteurs présumés seront longuement discutées - à raison. La question suivante sera de savoir quelles conséquences devront être tirées en matière de politique allemande à l'égard des réfugiés. Mais lorsque le dossier sera refermé, lorsque le dernier coupable allemand sera sous les verrous et que le dernier coupable étranger sera expulsé, quelque chose demeurera : la peur. - La direction de la police de Cologne doit montrer de façon crédible qu'elle a tiré les leçons des événements, qu'elle fera tout pour empêcher qu'ils ne se reproduisent. Et pourtant : pour beaucoup de femmes l'espace, où elles se sentent exister en sécurité, s'est soudain rétréci. La protection s'amenuise, et la liberté aussi.

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(*) N.d.t.: Malheureusement si : des déchaînements bien plus violents ont eu lieu pendant la période nazie, perpétrés notamment par les casseurs des S.A. à l'encontre des citoyens allemands d'origine juive. Mais c'est une autre histoire...


 [Lien sur  la troisième partie]


Tourné en 2014 et rediffusé ce soir (8 janvier 2016),
cet épisode de la série policière
Tatort se passe à Cologne.
Son titre involontairement ironique 
: « IMPUISSANCE » !

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