jeudi 15 janvier 2015

Metaphysica

Metaphysica humana est


À mes heures, je me rêve métaphysicien et me transporte du côté de l'Olympe ou – pourquoi pas ? – au forum romanum, dont nous arpentons aujourd'hui les ruines à la recherche d'une réponse. Je vais voir Platon pour qu'il me parle de Socrate, du marché aux poissons d'Athènes et de katharsis en dramaturge avisé qu'il fut. Dans mes rêves les plus fous, je pousse même jusqu'à Éphèse, chez l'énigmatique Héraclite, pour creuser à l'ombre du temple d’Artémis la question de la nature.

Scolie

L'annonce de la « fin de la métaphysique » fut une catastrophe pour la philosophie, puisqu'elle céda le terrain aux théologiens. Et nous connaissons leurs dissensions fondamentales qui, comme une traînée de poudre, embrasent l'Histoire jusqu'à l'époque présente.

Hypothèse

L'Homme a besoin de métaphysique comme il a besoin de rêver. Les deux – la recherche d'une sphère transcendantale et les activités oniriques – sont intimement liés, car ils touchent au besoin de symboliser ce qui, par nature, nous échappe d'autant plus que nous voudrions le saisir, le maîtriser, le posséder.

Argument

La métaphysique, qui peut aussi être définie comme le domaine du surnaturel, a été éliminée de la vision rationaliste de la nature, comme le rêve a été banni de notre perception de la réalité. - L’argument ne consiste pas à réhabiliter la métaphysique classique, dont le fonctionnement idéologique à l'image de celui des autorités théologiques est patent, mais à signaler une amputation aux effets extrêmement pervers puisqu'elle permet aux hommes d'accomplir le projet cartésien de se « rendre comme maîtres et possesseurs de la nature », dont la conséquence ultime risque d'être une apocalypse planétaire.


mardi 13 janvier 2015

Il y avait du peuple ?

~ Un billet court et superflu ~

Vous en vouliez, vous en avez eu, du peuple, vous qui en parlez tant, vous exprimez en son nom, à la place de cet intellectuel parisien, dont finalement vous n'êtes pas si différents, vous qui aimez moquer la bienpensance pour sauver la bienséance, mais je m'égare : tout cela n'est qu'une question d'économie, de comptable qui regarde ses compteurs toute la sainte journée, pour surtout ne rien rater du deal !

Le peuple, s'il veut, il bat tous les records, et on ne parle plus sondage sur fond d'abstentionnisme galopant et de questions stupides. On parle protestation et deuil. Et là, s'ils récupèrent, ils se mettent le doigt dans l’œil : là, le peuple les a pris de vitesse, la masse les a débordés, les populistes, les champions du monde !

Moi, ce 11/1, j'avoue que, brassant ma mauvaise réputation, j'ai roupillé et fait un rêve : rien n'était plus comme avant, le peuple devenait intellectuel, le provincial Parisien, et en toile de fond j'ai assisté à la naissance d'une Europe telle qu'elle s'est toujours imaginée, sans encore s'être réalisée, bref les gens arrêtaient de se prendre la tête pour des conneries et passaient à la partie agréable du programme : un rêve, quoi !

Mais si nous arrêtons de rêver – ou plutôt : de prendre nos rêves au sérieux ! – ne risquons-nous pas de redevenir ces hommes en gris qui marchent dans une brume opaque, des silhouettes sans imagination dans un monde de terreur, la fantaisie tout entière absorbée par la peur, le crâne caché sous un chapeau ou un voile ?




lundi 12 janvier 2015

"Je suis Charlie"




Alors que les mouvements de solidarité face à l'indicible sont quasi mondiaux, les Français restent partagés : ils l'étaient avant et le seront sans doute après. Mme Le Pen n'est pas venue à Paris ce dimanche ? Mais qu'elle reste donc chez elle à bouder avec son staff, ses électeurs, eux, ont été cordialement invités comme l'ont été tous les citoyens et hôtes de ce beau pays.

Pyroman le dit bien mieux que je ne saurais le faire :

"À certains moments [,] citoyens, il faut arrêter de jouer petits bras et saisir l'occasion de marcher pour montrer ce qu'est un peuple réuni derrière ses valeurs incompressibles."


La formule "Je suis Charlie" n'est que le fruit du hasard, née comme ce genre de cris de désarroi et de guerre naissent : quelqu'un la dit, un autre la répète et ça finit par faire boule de neige. Le mot d'ordre n'a aucune importance en tant que tel : c'est son effet, le ralliement des gens autour d'une protestation et d'un deuil collectif qui compte. Le reste – c'est le cas de le dire – n'est que littérature.

lundi 5 janvier 2015

PEGIDA

Cette note est l'adaptation française d'un petit texte que j'avais publié en allemand à la mi-décembre 2014.


 PEGIDA : ce sigle désigne les « Européens patriotes contre l'islamisation de l'Occident » (Patriotische Europäer gegen die Islamisierung des Abendlandes). - Il existe déjà un site, une page Facebook, une note conséquente sur Wikipédia et sans doute un compte Twitter. - Dans la semaine du 8 décembre 2014, les trois talk-shows politiques les plus en vue d'Allemagne (Anne Will, Maybrit Illner, Günther Jauch) ont organisé des débats autour de ce « mouvement », et la plupart des journaux publient des éditoriaux inquiets sur ce qui semble s'y mettre en marche.


Cependant, les médiatiques professionnels n'ont pas l'air particulièrement conscients de leur propre contribution au statut de « célébrité » de ceux qu'ils condamnent dans leurs colonnes, alors qu'ils devraient savoir que l'indifférence est une méthode éprouvée pour désamorcer les critiques du système.


Or, cette fois, le mécontentement vient de gens dont l'opinion subodorée a déjà été défendue avec succès dans les médias par Thilo Sarrazin, si l'on en juge par les chiffres de vente de son pamphlet « Deutschland schafft sich ab » (L'Allemagne se supprime, paru aux éditions DVA, Munich 2010, 464 pages) : pour la seule année de parution, Der Spiegel comptabilisait déjà 1,1 millions d'exemplaires vendus. Dans le même genre, avec un titre étrangement similaire, il n'y a que Le suicide français du polémiste Eric Zemmour (Albin Michel, Paris 2014, 534 pages), vendu quelque 400.000 fois deux mois et demi après son lancement, pour rivaliser avec une telle réussite éditoriale.