vendredi 16 décembre 2011

"Récession"

Voici le résumé du compte-rendu publié par l'Insee ce 15 décembre 2011 [ici], qui fait déjà couler beaucoup d'encre et risque d'exercer une forte pression sur la campagne électorale :

Dans la zone euro, la dégradation de la situation économique, perceptible à partir de l’été 2011, s’est confirmée à l’automne. Elle s’est accompagnée de tensions croissantes sur le financement des dettes publiques, notamment en Italie. Ces tensions se sont ensuite étendues au système financier, malgré les interventions récentes des banques centrales pour alimenter le système bancaire en liquidités. 

Ces turbulences devraient affecter à son tour l’économie réelle. Les conditions de financement des entreprises et des ménages commencent en effet à se durcir dans la zone euro. Les anticipations des chefs d’entreprise sont mal orientées, comme l’attestent les dernières enquêtes de conjoncture. La zone euro traverserait ainsi cet hiver un court épisode récessif. Cet épisode récessif serait d’intensité variable selon les pays, plus marqué et plus durable en Espagne et en Italie, où la demande intérieure est très affaiblie, qu’en Allemagne ou en France. 

Ainsi en France, l’activité se contracterait légèrement au quatrième trimestre 2011 (-0,2 %) et au premier trimestre 2012 (-0,1 %) avant de progresser faiblement au deuxième trimestre 2012 (+0,1 %). La demande des entreprises, moteur de la reprise depuis deux ans, finirait par fléchir : face à des perspectives d’activité atones, et au resserrement de leurs conditions de financement, les entreprises réduiraient leurs dépenses d’investissement. Parallèlement, l’emploi reculerait dans les secteurs marchands jusqu’à mi-2012, et le chômage s’inscrirait en hausse à cet horizon. Les ménages, confrontés à la dégradation du marché du travail et à la stagnation de leur pouvoir d’achat, maintiendraient un niveau d’épargne élevé : la consommation ne soutiendrait donc que faiblement la croissance française jusqu’à mi-2012. 

L’affaiblissement de l’activité dans la zone euro n’aurait sur le reste de l’économie mondiale que des effets limités. En effet, la consommation des ménages américains résisterait ; l’activité au Japon serait soutenue par les besoins de la reconstruction ; et les économies émergentes, notamment la Chine, mobiliseraient leurs marges de manœuvre monétaires et budgétaires pour relancer l’activité. Le commerce mondial apporterait donc un soutien, modeste, à l’économie européenne d’ici l’été 2012. 

Cette prévision est affectée d’un degré inhabituel d’incertitude, et est soumise à de nombreux aléas. En particulier, dans un contexte de grande nervosité sur les marchés, les tensions financières dans la zone euro pourraient s’amplifier et venir gripper le système financier mondial. À l’inverse, la mise en œuvre de mesures permettant de restaurer la confiance des agents économiques pourrait entraîner un retournement des anticipations, et provoquer un rebond plus marqué de l’activité dans la zone euro, et donc en France.

mercredi 23 novembre 2011

Egypte : Automne Arabe

Ici, l'hiver pointe son nez. Là-bas rien n'est joué. A Toulouse, une manifestation d'art contemporain s'intitule Le Printemps de Septembre. En Alexandrie, c'est le printemps en novembre, alors que l'opération libyenne vient tout juste de se terminer et que les Tunisiens ont voté "religieux" à 37,02% le 23 octobre 2011.

Le "peuple", les gens de la rue ne veulent pas se faire voler la Révolution par les militaires, dont certaines huiles avaient fait le sale boulot pour le président déchu que la rue aura balayé dans le vent du printemps ...




.. to be continued ..

samedi 22 octobre 2011

La mort du Colonel K.

Les images sont tout aussi "difficiles", selon le mot des présentateurs de télévision, que celles de la pendaison - "en loucedé" - de Saddam Hussein. Il est facile de tuer un homme, aussi intouchable qu'il ait pu être à ses heures de gloire : un homme est fait de chair et de sang. Le voici donc étendu, inerte, couvert de sang, torse nu, et la foule se presse afin de poser pour la photo "souvenir" ... 42 ans de "règne" en vert et contre tous ... Déboulonné grâce aux "frappes" de l'Otan. Car, s'ils étaient courageux, téméraires, casse-cou, les "rebelles" libyens n'auraient eu aucune chance contre l'armée régulière, les mercenaires, les brigades spéciales du colonel K.

Mort le 20 octobre 2011 à Syrte, à 18 km seulement du lieu de sa naissance (Qasr Abou Hadi, le 19 juin 1942), le colonel K. aurait dû être jugé. Par les Libyens eux-mêmes. Dans le cadre d'une procédure équitable qui aurait établi les faits et gestes de la dictature kadhafiste durant plus de quatre décennies. Ce procès sera donc conduit par les historiens de Libye, les générations futures, sans haine et sans crainte. Car, pour l'heure, il est bien trop tôt. Ou bien trop tard ...

mardi 27 septembre 2011

Sénat : Une élection si discrète

178 sièges pour la gauche, 170 pour la droite, voilà le nouveau rapport de force au Sénat après la sénatoriale partielle de dimanche dernier (25 septembre 2011) dont, en "amont", personne n'a vraiment parlé, alors qu'à chaque couac politique, aussi insignifiant fût-il, nos auto-proclamés "éditorialistes" ruent dans les brancards avec leurs voix amplifiées par les médias sponsorisés ...

Personne n'a vraiment parlé de cette élection qui concernait les "grands électeurs" : c'est donc que le "petit peuple" n'a droit à l'information et aux "analyses", aux "lumières" des commentateurs, que s'il est lui-même sollicité ?

Puisque le Sénat est tenu par la droite depuis le début de la 5e République (1958), gageons que si le status quo avait été maintenu, l'affaire n'aurait pas fait tant de bruit. Or, comme on peut le lire dans Le Monde (édition du lundi après-midi, antidatée du mardi 27 septembre 2011), "lorsque Nicolas Sarkozy a été élu président de la République, en 2007, la droite détenait 203 sièges au Sénat, contre 128 à la gauche." - Dans cet article à la Une, Patrick Roger qualifie donc de "séisme" le résultat de la sénatoriale partielle de dimanche. Cette "victoire de la gauche" s'inscrit dans une "poussée de l'opposition" (François Fillon) après les municipales de 2008, les régionales de 2010 et enfin les cantonales de 2011.

Selon les commentateurs, l'actuel président de la République, très probablement candidat à sa propre succession, "fait le dos rond" : il ne s'est pour l'instant exprimé ni sur l'affaire dite de Karachi, qui met en cause certains de ses collaborateurs, ni sur le résultat pour le moins surprenant de cette sénatoriale partielle qui s'ajoute aux échecs précédents du "pouvoir sortant". A ses lieutenants Copé et Fillon de faire le travail de com' ...

Premier responsable : la réforme territoriale ("intercommunalité") dont Jean-Claude Gaudin (UMP) affirme qu'elle "paraît compliquée à beaucoup. On ne voyait pas l'urgence de toutes ces modifications". Et son camarade André Dulait de renchérir : "je pense que le président de la République ne nous a pas forcément rendu service. La réforme territoriale nous effrite" (!) (in Le Monde, art.cit., p.10). - A demi mot, on laisse donc entendre que l'actuel président de la République a été sanctionné par un certain nombre d'élus qui ont participé à ce "suffrage indirect" ; cependant, la "réforme territoriale" n'est sans doute qu'un grief parmi d'autres ...

A venir, ce qui est qualifié de "troisième tour" de ces sénatoriales : l'élection, samedi prochain, du nouveau président du Sénat (la chambre haute du Parlement). L'encyclopédie Wikipédia rappelle que : "Son rôle est de représenter le Sénat et de diriger les débats de cette assemblée. Il doit être consulté par le président de la République lorsque ce dernier souhaite dissoudre l'Assemblée nationale ou mettre en œuvre des pouvoirs exceptionnels (Article 16 de la Constitution). Le président du Sénat assure l'intérim en cas de vacance de la Présidence de la République (mais sans le droit de recourir au référendum, de dissoudre l'Assemblée nationale ou de demander une révision de la Constitution). Cela est arrivé deux fois, lors de la démission du général de Gaulle (1969) et lors de la mort de Georges Pompidou (1974), les deux fois cet intérim a été assuré par Alain Poher. De par cette attribution, le président du Sénat peut devenir le premier personnage de l'État dans l'ordre constitutionnel, pendant cet intérim" (ici, je souligne).


[à suivre]

dimanche 28 août 2011

Dernières de Campagne

L'avenir de Nicolas Hulot obsède ses fidèles. Depuis la défaite de l'ancien animateur de TF1 à la primaire écologiste, ce dernier n'a toujours pas tranché sur ce qu'il voulait faire. La fuite concernant son déjeuner avec Nicolas Sarkozy mercredi, a suscité beaucoup d'interrogations. Les proches de Hulot ont même regretté de ne pas en avoir été mis au courant de cette rencontre par leur ami qui leur a rétorqué «être libre». Certains de ses fidèles ont eu vent d'une proposition du gouvernement pour un poste de représentant de la France à la conférence de Rio de juin 2012. Mais dimanche, l'intéressé a démenti que le chef de l'Etat lui ait fait une telle proposition. «Il se trame quelque chose», maintient pourtant un écolo. - In Le Parisien (28-08-2011) 

Jean-Michel Baylet ne décolère pas. Frustré de ne pas avoir été convié, comme tous les autres candidats à la primaire, à s'exprimer en séance plénière lors de l'université d'été du PS, le président du Parti radical de gauche se rappelle au bon souvenir de ses «amis socialistes». A peine était-il arrivé, samedi, sur le vieux port de La Rochelle qu'il décochait déjà des flèches à l'encontre de ses cinq adversaires dans la course à l'investiture. - «Comme d'habitude, cette université d'été est explosive. Les socialistes ne donnent pas un instant l'image de l'unité, qui est pourtant la condition sine qua non de la victoire. Ils sont dans la logique des petites phrases et délaissent les débats de fond», lâche-t-il à quelques mètres de l'espace Encan, où tous les socialistes sont réunis. Mais alors, pourquoi le dirigeant radical a-t-il fait le déplacement pour assister à ce qu'il considère comme une «mascarade» ? «Ils m'ont invité pour la photo de famille de ce dimanche. Je n'ai pas pu refuser». In Le Figaro (28-08-2011)

mercredi 24 août 2011

DSK : Clôture du dossier pénal

Une tempête dans un verre d'eau ? L'affaire Diallo-DSK ne connaîtra pas de dénouement pénal puisque le procureur new-yorkais Cyrus Vance a abandonné les charges qui pesaient sur l'homme politique français et donc renoncé à un procès pour viol. Reste le civil... Et la plainte de Tristane Banon...

vendredi 12 août 2011

Bourse dernière

Société générale : la rumeur, l’autre rumeur... et "Le Monde"
 (Le Monde | 12.08.11 | 11h18   •  Mis à jour 11h30)

Derrière la rumeur, encore la rumeur et… Le Monde. Pour expliquer le plongeon de – 14,7% de l'action Société générale, mercredi 10 août à la Bourse de Paris, traders, analystes et journalistes ont exhumé un article du journal britannique Mail on Sunday paru… trois jours plus tôt. - Citant "une source gouvernementale de haut rang", l'édition dominicale du Daily Mail affirmait que la banque se trouvait "au bord du désastre après d'énormes pertes" en Grèce, tout comme l'italienne UniCredit. - L'article a eu beau être retiré du site du journal dès lundi, le Mail on Sunday a eu beau publier, mardi soir, un article dans lequel il affirmait que ses informations "n'étaient pas vraies" et présenté ses "excuses sans réserves" à la Société générale, rien n'y a fait… - Derrière cette rumeur, une autre rumeur, vite diffusée sur le Net, est née mercredi en début de soirée : le Mail on Sunday aurait mal interprété la fiction politique parue cet été, durant deux semaines, dans Le Monde, sous le titre "Terminus pour l'euro" (réservé aux abonnés) et signée du pseudonyme Philae. Et aurait pris pour la réalité ce récit imaginaire relatant l'explosion de la zone euro en mai 2012 et le retour de l'Allemagne au deutschemark, sur fond de crise de la dette et de déboires du Crédit agricole. - Contactée jeudi soir par courriel, Lisa Buckingham, la responsable du service économie du Mail on Sunday, dément toute mauvaise interprétation à la lecture du Monde : "Je peux vous affirmer que, journalistes comme sources, nous ne connaissions absolument pas l'existence de cette série parue dans Le Monde." - "Nous ne savons pas ce qui a pu conduire le Mail on Sunday à publier cette information fausse et irresponsable, explique la Société générale. Nous avons saisi l'Autorité des marchés financiers pour mener une enquête sur l'origine de ces rumeurs qui portent atteinte à l'intérêt de ses actionnaires." - La banque n'apparaît que rarement dans ce récit de fiction écrit par la journaliste indépendante Florence Autret, correspondante à Bruxelles de L'Agefi et La Tribune. A deux reprises, une fois brièvement, une fois sur treize lignes, il est fait état d'un raid de la banque JP Morgan sur la Société générale, sans référence à sa situation financière. A une reprise, son PDG participe à une réunion de banquiers au Trésor pour se pencher sur le cas du Crédit agricole. [Lire]

Mercredi noir à la Bourse de Paris
(La Tribune, 10 août 2011 18:10)
Nouveau mercredi noir à la Bourse de Paris. Au lendemain de la réunion de la Réserve fédérale américaine mardi soir, le CAC 40 a vu son cours s'effondrer brutalement, perdant plus de 5%. Du jamais vu depuis décembre 2008. Les valeurs bancaires, qui représentent 11,1% de l'indice, ont entraîné les marchés d'actions dans une spirale baissière. [Lire]

La Bourse de Paris cède plus de 5%, les valeurs bancaires s'écroulent
(L'Express / AFP 10 août 2011 18:06)
La Bourse de Paris a terminé en chute de 5,45% mercredi, au terme d'une séance noire, plombée par des rumeurs de dégradation de la note de la France, malgré les démentis rapides du gouvernement et de l'agence Fitch, ainsi que par la dégringolade des valeurs bancaires. .- Après avoir ouvert dans le vert et connu un début de séance calme dans la matinée, le CAC 40 a commencé à dévisser peu avant 15H00 et n'a cessé de creuser ses pertes jusqu'à la clôture. L'indice a finalement terminé en abandonnant 173,20 points à 3.002,99 points dans un volume d'échanges très étoffé de 7,703 milliards d'euros, témoignant de la nervosité des investisseurs. - "C'était une séance folle. Le secteur bancaire n'avait pas été attaqué aussi violemment depuis 2008", souligne Renaud Murail, gérant d'actions chez Barclays Bourse. - "On est dans une atmosphère de panique, le marché joue à se faire peur. Il y a eu une attaque en règle, une spéculation à la baisse, mais surtout une phobie générale", poursuit le gérant. - Le secteur bancaire a particulièrement été attaqué. Société Générale perdant jusqu'à 21% en séance. [Lire]

jeudi 4 août 2011

Que devient le "Printemps Arabe" ?


La Syrie reste sourde aux alertes de la communauté internationale  (Le Monde)
Au lendemain de l'une des plus sanglantes journées depuis le début, à la mi-mars, du mouvement de protestation contre Bachar Al-Assad, Européens et Américains ont tenté, sans succès, lundi 1er août, d'obtenir une condamnation de Damas au Conseil de sécurité de l'ONU. Environ 140 personnes ont été tuées dimanche, principalement dans la ville de Hama, l'un des bastions de la contestation, et 24 autres lundi, selon des défenseurs des droits de l'homme syriens.

Ultime ironie pour l'ancien compagnon de route de Kadhafi, c'est aux mains des rebelles qu'il avait rejoints dès les premiers jours qu'Abdel Fatah Younès, le chef militaire de l'insurrection libyenne, semble avoir trouvé la mort, à en croire un ministre rebelle. Rappelé de la région de Brega, où ses troupes peinent toujours à prendre le dessus sur les forces loyalistes, le général Younès, ancien ministre de l'Intérieur de Kadhafi, a été assassiné en arrivant jeudi soir à Benghazi. Deux autres responsables militaires qui l'accompagnaient, Mohammed Khamis et Nasser Madhour, ont également péri dans l'attaque.

Un fils Kadhafi assure que sa famille a conclu un pacte avec les islamistes (TV5 / AFP - 4/08/11)
Seif al-Islam Kadhafi, l'un des fils du dirigeant libyen, a déclaré mercredi dans la presse américaine que sa famille avait scellé une alliance avec les rebelles islamistes du pays pour en finir avec l'opposition laïque qui réclame le départ de son père.

mercredi 18 mai 2011

Le feuilleton DSK

Alors que Dominique Strauss-Kahn passe ses journées et ses nuits dans le complexe pénitentiaire de Rikers à New-York, on commence à réclamer sa démission du FMI et à faire son deuil au PS. - Quelle que soit l'issue de la bataille judiciaire qui s'annonce, l'homme ne se relèvera sans doute jamais de cette épreuve. - Mais que s'est-il donc passé ? Devant l'ignorance qui est la nôtre, nous ne pouvons que spéculer : DSK a voulu "s'amuser" et le jeu a mal tourné ? On ne sait rien, ou presque, de celle que l'on appelle la "victime présumée" : employée depuis quelques années au Sofitel de New-York, Nafissatou Diallo, âgée de 32 ans, serait d'origine guinéenne (ou sénégalaise) et aurait une fille de neuf (ou quinze) ans, qu'elle élèverait seule dans le quartier populaire du Bronx. Si les avocats de la défense vont s'acharner à trouver des failles dans sa vie, on n'entend pour l'instant que les voix qui disent du bien d'elle. - À l'heure qu'il est, elle serait "effondrée" : non seulement à cause de l'agression sexuelle dont elle dit avoir été l'objet, mais sans doute aussi en raison de la dimension que prend l'affaire. La voilà hébergée dans un lieu "sûr", sous protection policière, dans l'incapacité de se rendre à son travail et donc de gagner de l'argent. La voilà dans le rôle de celle qui fait chuter l'un des hommes les plus puissants de la planète. Et la voilà donc avec plein de gens qui lui en veulent ou qui a harcèlent pour obtenir une "interview exclusive" avec une photo qui fera la Une de tous les journaux et magazines du monde...

En admettant que sa version des faits, qui a été retenue par le procureur, corresponde à cette fameuse vérité judiciaire dont on attend encore la "manifestation", la jeune femme est évidemment "dépassée par les événements". Lorsqu'elle s'est réfugiée auprès de ses collègues du Sofitel en disant que le Monsieur de la suite 2806 l'a agressé sexuellement, elle ne s'attendait pas à un tel raz-de-marée médiatico-politique. Aurait-elle réagi de la même façon en connaissant les conséquences ? A-t-elle peut-être exagéré les faits ?


Bien sûr, il y a les "théories du complot", les "machinations" et "manipulations" que l'opinion n'a pas manqué de colporter. Quelles sont-elles ?  "Quelqu'un" a voulu "abattre" Dominique Strauss-Kahn en plaçant sur sa route cette femme de chambre, évidemment complice et grassement payée, qui aurait invité le Monsieur de la suite 2806 à l'un de ces jeux sexuels dont il raffole, pour ensuite, après l'avoir griffé, s'enfuir en criant au viol. - On cherchera le coupable ou bien dans la finance internationale ou bien sur la scène politique française. - Mais, si tant est qu'elle a menti, la femme de chambre a très bien pu agir pour son compte personnel en espérant une compensation financière de la part du riche Monsieur de la suite 2806.


Or, jusqu'à preuve du contraire, elle a pu tout simplement dire la vérité. Elle ne s'est pas laissée faire et n'a pas voulu qu'une telle agression reste impunie. Ou alors, si ses intentions étaient moins pures mais tout aussi humaines, elle a tout de suite pensé aux avantages matériels qu'une plainte lui procurerait. Et puis il y a eu les "conséquences" : braquage de projecteurs, médiatisation globalisée, protection du témoin, incarcération d'un homme avec "rang de chef d'État"...



Et M. Strauss-Kahn, s'il a effectivement commis les faits qui lui sont reprochés, a-t-il pensé un instant à ces conséquences ? Démission honteuse du FMI, fin abrupte d'une carrière politique si prometteuse en France... S'agissait-il, comme on l'entend dire, d'un "acte manqué", d'une réponse inconsciente au choix impossible entre la direction du FMI et la candidature à la primaire socialiste ?


La médiatisation de l'affaire donne également à penser : S'il est dans les habitudes américaines de montrer les images des prévenus, menottes aux poignets ou face au juge au cours de l'audience préliminaire, de telles images sont proscrites en France. Pourtant les médias français n'ont pas hésité à les faire tourner en boucle. Dès lors, cette position humiliante de Dominique Strauss-Kahn ne peut plus être effacée des réseaux et des mémoires, au cas où il serait innocenté par la justice.


Cette médiatisation procède du "choc" - ou, comme on l'affirme aussi, du "traumatisme" - que l'arrestation de M. Strauss-Kahn à New-York a pu générer chez le grand public, suscitant du même coup un engouement considérable pour cette affaire. Et il y a le chef d'inculpation qui sied si peu à un homme de la stature de DSK : une tentative de viol ! - Le Point a traduit l'acte d'accusation [ici] où l'on peut lire ceci : l'accusé 1) a fermé la porte de la pièce et a empêché la plaignante de quitter cette pièce ; 2) s'est saisi de la poitrine de la plaignante sans son consentement ; 3) a tenté de retirer de force le collant de cette personne et de toucher ses parties génitales de force ; 4) a forcé la bouche de la plaignante à toucher son pénis à deux reprises ; 5) a pu commettre ces actes en utilisant sa force physique.


lundi 16 mai 2011

DSK : Les sondeurs ont l'air fins


Depuis des mois, les sondages pronostiquaient la victoire de Dominique Strauss-Kahn aux élections présidentielles de 2012. Ce matin encore, on peut entendre sur France Inter que DSK ne va pas pouvoir "maintenir sa candidature". Faut-il rappeler qu'il n'est pas - et ne sera probablement jamais - candidat à cette élection ?

Lorsque la réalité rattrape la démocratie virtuelle qui nous est quotidiennement assénée, les commentateurs se réveillent souvent en "catastrophe". Et, dans le cas présent, il n'y a pas l'ombre d'un mea culpa. On fait "profil bas" : ce sont des "impondérables", des "aléas". Pourtant, combien de pages, de commentaires, de spéculations sont aujourd'hui effacés par un simple "fait divers" ?

De plus, le crime n'est que "présumé". Une fois encore, on ne sait rien, ou si peu, de cette affaire. De deux choses l'une : ou bien DSK a commis les faits qui lui sont reprochés, ou bien la femme de chambre qui l'accuse est une affabulatrice, voire le maillon d'une machination visant à faire tomber, au choix, le directeur du FMI ou le candidat potentiel à la présidentielle française.

Ce soir on saura si M. Strauss-Kahn sera libéré sous caution. Il pourra alors donner sa version de l'histoire. - La procédure judiciaire devrait prendre "quelques mois". Si DSK est blanchi, les socialistes pourront encore l'intégrer dans leurs primaires dont le calendrier serait alors revu. Et d'ici là, il sera sans doute remplacé à la tête du FMI. D'ailleurs, il l'est déjà, ce matin, par son second, John Lipsky, qui n'en demandait pas tant puisqu'il avait prévu d'arrêter le job de vice en août prochain.

Ajoutons que la France a une propension à l'égocentrisme que cette affaire révèle une fois de plus : si "machination" ou "manipulation" il y a, c'est bien sûr pour empêcher DSK d'être le candidat attendu à la présidentielle. Jamais on ne pense que la finance internationale a pu vouloir dégommer un socialiste à l'origine des plans d'aide aux pays européens pris dans la "crise de la dette" ?

Ce soir, on apprend que, contrairement à la remise en liberté sous caution que l'on attendait, M. Strauss-Kahn est maintenu en détention sur décision de la juge, Mme Melissa Jackson, qui présidait son audition préliminare, et ce jusqu'au 20 mai prochain, date à laquelle il comparaîtra devant un jury populaire qui, comme le veut un adage new-yorkais, serait capable "d'inculper un sandwich". L'Express nous en dit plus [ici] : Cette chambre d'accusation doit se réunir dans les trois jours, selon le professeur de droit Randolph Jonakait, de l'école de droit de New York. Composé de 16 à 23 jurés populaires, le grand jury se réunira en l'absence d'un juge, pour entendre les éléments de preuve de l'accusation, et potentiellement le témoignage de la victime. "Si la femme témoigne", il y aura inculpation, ajoute le professeur de droit.  - "Ce n'est pas comme un procès, il n'y a pas d'interrogatoires croisés, [l'accusé] ne peut pas citer de témoins", explique-t-il. Ni Dominique Strauss-Kahn, ni son avocat ne seront présents, à moins qu'ils le demandent. Il peut témoigner, son avocat peut être présent, mais ce dernier ne peut pas s'exprimer. - Si le grand jury inculpe formellement DSK, c'est devant un magistrat d'une juridiction plus élevée, la "New York Supreme Court", qu'il devra comparaître pour se faire signifier officiellement son inculpation. C'est là que "le procureur doit livrer plusieurs éléments de preuve à la défense", et que chaque partie commence à bâtir un dossier.  - "Normalement le procès serait organisé dans un délai de trois mois à un an", a précisé Randolph Jonakait.

dimanche 15 mai 2011

DSK arrêté pour agression sexuelle

Le Wall Street Journal [here] nous apprend que "M. Strauss-Kahn a été arrêté samedi à New York pour une agression sexuelle présumée sur une femme de chambre dans un hôtel de Manhattan, selon les autorités. D'après un officiel de la Justice, M. Strauss-Kahn aurait forcé une femme de ménage dans son lit et l'aurait agressée sexuellement vers 13 heures samedi [heure locale] dans sa chambre de l'hôtel Sofitel près de Times Square."

Associated Press [here] donne d'autres détails (je traduis) : "Dominique Strauss-Kahn a été extrait d'un vol Air France à l'aéroport international John F. Kennedy par des officiers des autorités [aéro]portuaires de New York et New Jersey et il a été remis à la police pour une audition samedi après-midi, a déclaré Paul J. Browne,  porte-parole du New York Police Department [NYPD]. - Strauss-Kahn a été placé en détention dimanche à 2h15 du matin [heure locale], inculpé d'un acte sexuel criminel [sic], de tentative de viol et de séquestration illégale [sic], en attendant son audition préliminaire [par un juge], a ajouté la police. - Son avocat, Benjamin Brafman, n'a pas pour l'instant répondu au téléphone ou aux e-mails envoyés par Associated Press pour solliciter ses commentaires. - La femme de 32 ans a déclaré aux autorités qu'elle est entrée vers 13 heures, heure locale, dans la suite de Strauss-Kahn... et qu'il l'a assaillie, a dit Browne. Elle affirme qu'on lui a demandé de faire le ménage dans la vaste suite à 3000 dollars la nuit, dont on a affirmé qu'elle serait vide. - Selon la déposition de la femme à la police, Strauss-Kahn, nu, a émergé de la salle de bains, l'a poursuivie dans le couloir et l'a entraînée dans une chambre à coucher, où il a commencé à l'assaillir sexuellement. Elle a ajouté qu'elle a réussi à se défaire, puis il l'a entraînée dans la salle de bains, où il l'a forcée à pratiquer un rapport oral, tout en essayant de lui ôter ses sous-vêtements. La femme a réussi à se libérer une fois de plus, s'est enfuie de la suite et a dit au personnel de l'hôtel ce qui s'était passé, selon les autorités. On a alors appelé la police. Quant les détectives de la police de New York City sont arrivés sur place quelque temps après, Strauss-Kahn avait déjà quitté l'hôtel, en oubliant son téléphone, a dit Browne : 'Il semble qu'il est parti dans la précipitation', a-t-il ajouté. - Le NYPD a découvert qu'il se trouvait à l'aéroport et a contacté les autorités [aéro] portuaires, qui ont extrait [Strauss-]Kahn de la première classe du vol Air France dont le départ était prévu à 16h40 [heure locale] et qui se préparait à quitter la porte d'embarquement. - La femme de chambre a été emmenée à l'hôpital où elle a été traitée pour des blessures mineures. John Sheehan, un porte-parole de l'hôtel, a déclaré que son personnel collaborait à l'enquête."

Si cette accusation s'avérait fondée, ce n'est pas seulement la crédibilité de DSK comme directeur du FMI, mais également sa participation aux primaires socialistes qui seraient fortement compromises. Une liaison du politicien avec une collaboratrice du Fonds Monétaire International avait déjà entaché sa réputation et donné lieu à une enquête pour "abus de pouvoir" en octobre 2008. - Très récemment, les accusations plutôt anecdotiques de porter des costumes à 30.000 dollars et de profiter de la Porsche d'un ami ont fait réagir l'intéressé, qui a porté plainte contre France-Soir, le journal ayant diffusé ces informations.

Interrogé par Europe 1 ce dimanche,  l'ancien conseiller de François Mitterrand, Jacques Attali, s'est risqué au pronostic suivant : "La situation politique internationale va changer. Le Fonds monétaire international va devoir au moins avoir un directeur général intérimaire et je ne pense pas, sauf manipulation dans cette affaire, que DSK soit candidat à la présidentielle" [ici].

Manipulation ? - Vous avez dit manipulation ?

***
Ce qui se présente comme une (nouvelle) "Affaire DSK" n'a pas manqué de faire les choux gras de la presse nationale et internationale en ce dimanche, habituellement consacré au repos et aux déjeuners en famille. On imagine, comme l'affirme la femme de chambre qui déclare avoir été agressée sexuellement par l'homme politique, Dominique Strauss-Kahn surgissant tout nu de la salle de bains pour se jeter sur cette pauvre fille venue faire le ménage dans cette suite à 3000 dollars la nuit, comme s'empresse de le préciser AP : tout en haut de la pyramide de notre belle civilisation occidentale, cet homme serait donc aux prises avec une pulsion sexuelle animale, bestiale, incapable de contrôler ses instincts à la manière d'un satyre en rut.

Les commentaires n'ont cessé de pleuvoir depuis l'annonce en début de matinée de l'arrestation du présumé violeur par la police new-yorkaise. - Par la bouche de son avocat joint par l'AFP [ici], on apprend en début d'après-midi que l 'intéressé nie les faits et plaidera "non-coupable" lors de sa présentation à un juge dans la journée. Le site de France 2 propose un choix de réactions qualifiées de "prudentes" [ici] : - Martine Aubry s'est dite "stupéfaite" par ce "coup de tonnerre", et la première secrétaire du PS en appelle à la "présomption d'innocence". - Pour le député UMP Bernard Debré, DSK est un "homme peu recommandable" : "C'est humilier la France que d'avoir un homme qui soit comme lui, qui se vautre dans le sexe, et ça se sait depuis fort longtemps" - Marine Le Pen : "Les faits qui sont reprochés à Dominique Strauss-Kahn, s'ils sont avérés, sont d'une très grande gravité. Il est définitivement discrédité comme candidat à la plus haute fonction de l'État". François Bayrou : "Tout cela est confondant, navrant et infiniment troublant". - Pierre Moscovici, proche de DSK : "Je pense qu'il faut faire preuve de retenue ... Attendons la version des faits de DSK. Je le connais depuis 30 ans, cela ne ressemble pas à ce que je connais de lui".

Il y a fort à parier que ce feuilleton médiatique risque de s'étaler pendant un temps indéfini sur les Unes de nos quotidiens. Les théories fuseront : Voulait-on "abattre" DSK ? Qui a intérêt à faire une chose pareille ("suivez mon regard") ? Il est certain que, pour l'heure, la procédure judiciaire qui s'annonce n'est basée que sur les dires de la femme de chambre du Sofitel new-yorkais : c'est donc la parole de l'une contre celle de l'autre. Le combat s'annonce inégal, étant donné l'avantage en termes d'assistance juridique que possède à priori un directeur du FMI sur une petite femme de ménage. Mais d'aucuns se proposeront sans doute de pallier à ce déséquilibre ...

jeudi 28 avril 2011

[Libye 2011] Vers une guerre civile sans fin ? (5)


~  note commencée le lundi 25, actualisée les mardi 26, mercredi 27 et jeudi 28 avril 2011 ~


Flux d'actualité [Al Jazeera] [Guardian] [libyafeb17] [Almanara Media]




TRIPOLI. - Peu après minuit, deux missiles au moins ont frappé deux immeubles situés dans le complexe du colonel K. de Bab al-Aziziya, comme le rapporte la correspondante du Guardian. L'un d'eux, un bâtiment à plusieurs étages qui abrite également une bibliothèque où le colonel, paraît-il, aimait à lire, s'est effondré. L'autre, destiné à recevoir les délégations étrangères, est sévèrement endommagé. La correspondante ajoute que le nombre des blessés légers varie de 0 à 45 et que l'on ignore le lieu où se trouvait le colonel K. - Le régime parle quant à lui de 45 blessés, dont 15 graves, et estime que l'attaque visait à tuer le leader. De son côté, Saif al-Islam Kadhafi déclare : "Le bombardement qui a visé les bureaux de Mouammar Kadhafi aujourd'hui... n'effrayera que les enfants. C'est impossible qu'il puisse nous faire peur ou nous pousser à abandonner et hisser le drapeau blanc. Vous, l'OTAN, menez une bataille perdue parce que vous êtes soutenus par des traitres et des espions. L'Histoire a prouvé qu'aucun État ne peut s'en remettre à eux pour vaincre." En fin d'après-midi, un porte-parole du régime déclare à Reuters que trois personnes ont été tuées par le raid de l'OTAN, mais que le colonel K. était "en sécurité" et "de bonne humeur". (sources via Guardian)



MISRATA. - Le retrait de l'armée libyenne annoncé par le gouvernement, qui avait déclaré que les tribus prendraient le relais, n'a été qu'un leurre. Ces dernières douze heures 30 morts et 60 blessés ont été comptés par Ahmed al-Qadi, qui travaille dans une radio "pirate" de Misrata. Il parle d'un pilonnage intensif de zones résidentielles et dit que des corps carbonisés ont été amenés à l'hôpital. Se trouvant actuellement en Libye, la correspondante du Sunday Times, Hala Jabar, a mis en ligne la photo insoutenable d'un de ces corps en précisant que "tout le monde doit la voir". Ayant pris le parti de ne pas montrer de telles images dans ces pages, je me contente d'en donner le lien [ici]. Voici encore quelques tweets de Hala Jabar, qui témoignent de l'horreur vécue par les habitants [@] : "Rapport de médecin : 'famille arrivée -- bébés carbonisés, mère, père. Ils étaient dans leur voiture'." - "Les gens endormis chez eux quand les FK [forces de Kadhafi] ont lancé des attaques au mortier sans discrimination. Les Chababs [jeunes combattants] incapables d'emmener les morts qui brûlent encore." - "La tête d'un bébé amenée sans son torse. Une famille carbonisée, brûlée à tel point qu'elle a dû être placée dans le même sac." (sources via Guardian)



SYRIE. - Alors que les nouvelles du pays sont toujours aussi ténues et difficiles à vérifier puisque les reporters étrangers ne sont pas autorisés à y travailler, on apprend que les frontières avec la Jordanie sont à présent fermées et que les téléphones sont coupés à Deraa depuis minuit. Des rapports émanant de cette ville du Sud, et de Douma en banlieue de Damas, parlent d'une vague d'arrestations et de coups de force du régime, qui utilise des tanks à Deraa, où entre 9 et 18 morts sont signalés, et des snipers à Douma pour terroriser la population. Dans cette dernière ville, un commandant de l'armée aurait pris le parti des habitants qu'il entendait protéger des snipers, une initiative qui se serait soldée par son arrestation. D'autres défections dans les rangs des militaires ont été rapportés, mais une observatrice du Guardian à Damas, Katherine Marsh, estime que l'armée restera fidèle au président al-Assad puisque ses membres sont recrutés de préférence dans sa "secte des Alaouites", une branche du chiisme. - On dénombre également treize morts à Jableh près de Banias depuis hier. (sources via Guardian) - Dans l'après-midi, le Nouvel Observateur relaye une dépêche de l'AFP rapportant les propos d'un militant des droits humains au téléphone [sans doute avec une carte SIM jordanienne], qui parle de la situation catastrophique à Deraa [ici] : "au moins 25 martyrs sont tombés, tués par les tirs et le pilonnage à l'artillerie lourde", après l'entrée avant l'aube de l'armée et des forces de sécurité dans la ville, appuyées par des chars et des blindés. - Il a ajouté que des corps étaient "toujours dans la rue". - Le militant a précisé que la ville était soumise dans l'après-midi "à un pilonnage intensif à l'artillerie lourde et aux mitrailleuses... - Des snipers ont pris position sur les toits et les chars sont dans le centre-ville", a-t-il ajouté. - D'autres sources de l'AFP parlent de 3000 hommes des forces de sécurité qui ont déferlé sur la ville. - L'hebdomadaire français rapporte également une réaction de l'ONU : La Haut commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Navi Pillay, a demandé lundi "l'arrêt immédiat des tueries en Syrie", jugeant "inacceptable" la "réaction erratique et violente" du gouvernement syrien face à "des manifestants pacifiques".



Les événements syriens prennent à présent un tour aussi brutal et sanglant qu'en Libye. Après quelques annonces apparemment rhétoriques, comme la levée de l'état d'urgence et des lois d'exception en vigueur depuis 1963, le régime montre son visage barbare à ceux qui pouvaient encore douter de sa vraie nature en envoyant son armée, ses "forces de sécurité" et sa police "secrète" assassiner la population et arrêter les opposants, dont on peut imaginer le sort dans les geôles d'un État totalitaire. - Et dans cette histoire, il ne faudra pas s'attendre à une résolution de l'ONU autorisant une intervention pour arrêter le massacre. Avec le droit de véto de la Chine et de la Russie, on se demande d'ailleurs comment la résolution 1973 sur la Libye a pu passer au Conseil de sécurité. Hormis la réticence de ces deux grandes puissances à toute "politique d'ingérence", d'autres raisons peuvent être invoquées : Bien sûr, dira-t-on avec une pointe de cynisme, les réserves pétrolières de Syrie constituent une "quantité négligeable" sur le marché mondial. Il y a aussi la proximité de l'Iran et d'Israël qui font d'une intervention militaire conduite par l'Occident une opération à haut risque. Et on entend évidemment préserver cette fameuse "stabilité" de la région qui recèle les plus importants gisements de pétrole au monde, même si la Syrie n'en détient qu'une part très modeste. Enfin, on peut penser aux opérations en cours qui ne sont pas, loin s'en faut, couronnés de succès : En Afghanistan et en Irak, on "gère le chaos" comme on peut, et en Libye, on se dirige également vers une situation bloquée, si l'on n'y est pas déjà. Il faut ajouter que les opérations militaires engloutissent des sommes énormes, alors que les dettes de la plupart des pays "développés" se comptent  désormais en billions (mille milliards) d'euros.



TUNISIE. - A l'heure où la France, par la bouche du conseiller spécial du président Sarkozy, Henri Guaino, plaide pour une modification de "l'espace Schengen" pour maîtriser le flux migratoire en provenance de Tunisie, ce pays affronte l'affluence des réfugiés en provenance des montagnes de l'Ouest, pilonnée sans relâche par l'armée libyenne. Libyafeb17 relaye ce soir une dépêche de Reuters qui estime à 30.000 le nombre de Libyens qui fuient le massacre orchestré par leur propre gouvernement. Ils viennent s'ajouter à la première vague de réfugiés qui n'ont pas encore été évacués ou qui ne savent pas où aller. Si l'on considère que le gouvernement tunisien n'a pour l'heure formulé aucune plainte et semble considérer comme normal d'aider les gens en détresse, l'attitude du gouvernement français, si prompt à déclarer la guerre pour "protéger les civils", est à proprement parler lamentable. Car s'y reflète cette ambiguïté occidentale qui, jadis, fit dire aux premiers habitants d'Amérique, dépités par les promesses non tenues, que "les visages pâles ont la langue fourchue".



YEMEN. - Alors que l'on annonce de nouveaux morts et blessés dans les manifestations à Taïz, Ibb et dans la région d'al-Baïda, la transition du pouvoir semble en bonne voie ce soir puisque l'opposition  emboîte le pas au président Saleh en donnant lui aussi son "accord au plan de sortie de crise proposé par le Conseil de coopération du Golfe (CCG)", comme l'écrit Le Monde [ici] qui rappelle que ce plan "prévoit un transfert du pouvoir en trois mois. Les six États membres du CCG, alliance régionale militaire et politique, demandent au président Saleh de remettre les rênes du pays à son vice-président dans le délai d'un mois après la signature d'un accord. Un responsable de l'opposition devrait prendre la tête d'un gouvernement intérimaire chargé de préparer l'élection présidentielle deux mois plus tard. - Le projet accorde l'immunité à M. Saleh, à sa famille et à ses conseillers, qui ne pourraient pas faire l'objet de poursuites judiciaires comme le réclament leurs adversaires."

dimanche 24 avril 2011

[Libye 2011] Vers une guerre civile sans fin ? (4)


note commencée le jeudi 21, actualisée les vendredi 22, samedi 23 et dimanche 24 avril 2011 ~

Flux d'actualité [Al Jazeera] [Guardian] [libyafeb17] [Almanara Media]

Chris Hondros : Insurgé à Ajdabiya (photo : getty via guardian)

FRONTIÈRE TUNISIENNE. - Alors qu'un grand nombre de personnes continuent de fuir les zones de combat dans les montagnes de l'Ouest pour la Tunisie, Al Jazeera rapporte que les insurgés ont pris le contrôle du poste frontière de Wazin, à 200 km au Sud du passage principal de Ras Jedir près de la côte. - Un peu plus tard, le Guardian reprend un communiqué de l'agence TAP (via Reuters) qui annonce que treize soldats et officiers, dont un général, des forces loyalistes se sont rendus à l'armée tunisienne après des affrontements avec les combattants insurgés. Un correspondant d'Al Jazeera Arabic avait auparavant parlé d'une centaine d'éléments kadhafistes à s'être constitués prisonniers de l'autre côté de la frontière. - Puis l'AFP rapporte (via libyafeb17) que quelque 150 à 200 soldats de Kadhafi ont abandonné leurs armes et se sont enfuis en Tunisie.

ENLISEMENT. - De plus en plus d'observateurs considèrent que la guerre ne peut être gagnée par l'insurrection. Cantonnés à Ajdabiya face aux kadhafistes enterrés à Brega, les insurgés ont  peu de chances de faire bouger le front de l'Est de façon significative. S'ils paraissent mieux organisés qu'au début des combats, ils ne disposent pas de l'armement adéquat qui leur permettrait d'avancer sur Syrte ou Misrata. Et si la couverture aérienne de l'OTAN peut empêcher la progression des loyalistes vers Benghazi, elle n'est pas à même de les déloger des villes. - La seule option qui pourrait débloquer la situation militaire est une intervention terrestre de la Coalition. Or, les dirigeants occidentaux ne cessent de répéter qu'elle est exclue, si l'on excepte les quelques éléments des forces spéciales qui opèrent sur le terrain, les trois dizaines de conseillers militaires envoyés à Benghazi et peut-être telle ou telle unité armée appelée à protéger les convois humanitaires à Misrata, qui ne serait cependant pas autorisée à engager les combats.

APRÈS LE DRAPEAU, LE ROI ? - Exilé depuis 1988 à Londres, Mohammed al-Sanussi [ou El Senoussi], le prétendant au trône de Libye âgé de 48 ans, se déclare prêt à aider son pays. Le blog bruxellois du Wall Street Journal cite ses propos [ici] : "Que le peuple veuille la monarchie constitutionnelle ou la république, je ferai de mon mieux".  Le rédacteur, John W. Miller, résume le sens de cette déclaration : "En d'autres termes, si on lui demandait d'être roi, il dirait oui". Le fait que l'insurrection ait choisi comme emblème l'ancien drapeau de la monarchie lui donne peut-être des idées ? - M. al-Sanussi ajoute toutefois qu'il aiderait l'opposition à organiser “des élections libres et équitables", sa "tâche étant de servir le peuple".

 Idris Ier, roi de Libye (1951-1969), et son petit-neveu Mohammed, prétendant au trône

CHRIS HONDOS. - Dans cette vidéo, le photographe de guerre, qui a succombé hier à ses blessures dans la ville de Misrata, commente son travail et explique les raisons qui l'ont conduit à persévérer dans sa voie  :


samedi 23 avril 2011

Schengen

Face à l'affluence de migrants venus de Tunisie et de Libye, munis par les autorités italiennes d'un titre de séjour provisoire de six mois, le gouvernement étudierait la suspension de l'accord de Schengen, comme on l'a appris vendredi à l'Élysée. Même si l'annonce est loin d'être officielle, les commentaires vont déjà bon train. Le FN crie à la "supercherie" par la voix de son secrétaire général Steeve Briois [ici] : "Face à ce tsunami migratoire, l'Élysée envisage de suspendre les accords de Schengen de façon à lutter contre le phénomène, reprenant ainsi une proposition de longue date de Marine le Pen. Le Front national dénonce la supercherie et l’enfumage médiatique de Nicolas Sarkozy. Après avoir fait des pieds et des mains pendant des années pour vendre l’Union Européenne aux Français, voilà que l’UMP feint de vouloir faire marche arrière. - Ces nouvelles gesticulations médiatiques servent à masquer la duplicité du gouvernement sur la question de l’immigration au moment où le nombre de titres de séjours accordés aux étrangers explose." - Quant aux Jeunes Socialistes (PS), ils déclarent [ici] : "La rumeur répandue, par une source élyséenne, selon laquelle la France envisagerait de suspendre les accords de Schengen, est une nouvelle escalade dans la culture de la peur et d’un alignement systématique de l'Élysée sur les prises de positions de Marine Le Pen. - Par cette proposition, le Président de la République voudrait nous faire croire que des hordes d’arabes seraient en train d’envahir le continent européen et le territoire national. Il use une fois de plus de son bouc émissaire favori : l’immigré. Cette situation justifierait de sortir des accords de Schengen et de suspendre de façon unilatérale une liberté fondamentale pour tous les individus : la liberté d’aller et venir. - Une telle mesure est profondément injustifiée car elle ne correspond absolument pas à la réalité. L’arrivée d’immigrés tunisiens et libyens reste faible eu égard à l’importance des évènements dans ces deux pays, et au fait que la France conduit une guerre dans l’un d’eux. -Nicolas Sarkozy aurait été plus avisé de ne pas faire le choix de soutenir et armer des dictateurs ces dernières années. L’intervention militaire n’aurait pas été nécessaire. Les déplacements de populations auraient été encore plus faibles. - Pis encore, avec une telle proposition le Président de la République met en péril la liberté de circulation des citoyens français et européens car on imagine avec effroi les mesures de rétorsions que pourraient prendre les pays de l’espace Schengen à l’égard de la France."

On se le demande : S'agit-il dans cette annonce, qui n'est pour l'instant qu'une "rumeur", d'une autre "poudre aux yeux" concoctée par les éminences grises de M. Sarkozy ? Peut-on la rapprocher de cette autre "mesure", déjà critiquée par les syndicats et jugée "électoraliste", de concéder une "prime" aux salariés des entreprises qui versent des dividendes à leurs actionnaires ? - Mais surtout : Qu'en est-il de la "solidarité" avec les peuples du "Printemps arabe", ardemment soutenu par l'Élysée depuis le départ de Mme Alliot-Marie du Quai d'Orsay ? - La Tunisie, elle-même en proie aux difficultés économiques, ne témoigne-t-elle pas d'un grand élan humanitaire envers les dizaines, voire les centaines de milliers de réfugiés libyens qui affluent sur son territoire ? Le soutien français se limite-t-il donc aux bombardements et à l'envoi de conseillers militaires en Libye ?

Derrière le combat héroïque des peuples arabes pour la liberté et la démocratie se cache un profond malaise économique et social. Muselés, ces peuples sont maintenus dans un état de pauvreté sans pouvoir accéder à un confort relatif et à une situation matérielle stable. En effet, il est difficile de comprendre pourquoi des dizaines de milliers de Tunisiens risquent leur vie en mer pour fuir un pays qu'ils pourraient aider à construire après des décennies d'autocratie. Certains craignent sans doute des représailles pour avoir été impliqués dans le système Ben Ali. Beaucoup d'autres estiment, peut-être à tort, que leur situation économique reste aussi catastrophique qu'avant.

Il relève de l'humanité la plus élémentaire de ne pas laisser ces gens errer sur le bord des routes européennes, mais de les accueillir, de leur parler, de monter des structures de réflexion qui leur permettraient d'envisager le futur de la Tunisie, de l'Égypte, de la Libye et leur propre concours au nouvel élan de leurs patries. Aucun migrant ne quitte son pays, sa famille, ses amis de gaîté de cœur, ne risque sa vie joyeusement pour se retrouver parqué sur le sol aride de Lampedusa. En considérant les belles déclarations des uns et des autres, il serait temps de passer à l'action et de délivrer ces réfugiés de leur condition dramatique.

Ce sont les questions de solidarité qui divisent l'Europe. D'abord l'assistance économique à la Grèce, l'Islande et le Portugal. Maintenant l'accueil des réfugiés du "Printemps arabe". Tant que l'Europe politique ne sera pas faite, tant que l'espace économique de l'UE ne sera pas "harmonisé", avec les mêmes salaires minimaux, les mêmes avantages sociaux, les mêmes taxes, nous assisterons à ce genre de scénarios proprement inhumains dans le beuglement xénophobe des Vrais Finlandais, du Front National ou d'une "Vederö" ("force défensive") hongroise qui vient de chasser la population rom d'un village où celle-ci était pourtant sédentarisée (aux dernières nouvelles, le gouvernement a cependant pu rétablir un "ordre" qui commençait à lui échapper).

jeudi 21 avril 2011

[Sondage] Commémoration

Le nouveau - et nième - sondage sur le thème favori des observateurs politiques, la "montée du FN", enfonce un clou passablement rouillé : Le Pen au second tour de la présidentielle quels que soient ses adversaires, comme titre Le Parisien (20 avril 2010) [ici]. Le quotidien précise qu'il s'agit d'une enquête réalisée en ligne les 19 et 20 avril 2011, selon la méthode des quotas, sur un échantillon de 926 personnes inscrites sur les listes électorales issues d’un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, à partir de l’access panel Harris Interactive. - Voilà pour les spécialistes. Les adversaires de la dame en "bleu marine" sont, pour les principaux, aussi virtuels que, par voie de conséquence, les avis de ces 926 personnes interrogées "en ligne". Le Parisien écrit : Seul DSK (30% des intentions de vote) arrive devant la présidente du parti d'extrême-droite (21%), Nicolas Sarkozy n'obtenant que 19% des suffrages.... Selon notre enquête, face à François Hollande (22%), Marine Le Pen est au coude à coude (23%), l'actuel locataire de l'Elysée 3e (19%). Elle décroche 23% des intentions de vote dans l'hypothèse d'une candidature Aubry (21%), Sarkozy 20%. - A signaler également : Jean-Louis Borloo, président du Parti radical, entre 7 et 10 % selon les hypothèses de candidature, réussit sa percée.

Très bien. Sauf que ni MM. Borloo, Strauss-Kahn et Sarkozy ni Mme Aubry n'ont encore annoncé leur candidature. La virtualité, souvent pointée dans ces pages, est donc totale : on "interroge" 926 personnes dont on estime qu'elles peuvent représenter 43.350.204 électeurs (inscrits en 2010) dans des conditions qui n'ont rien à voir avec celles d'un suffrage réel, à un an de l'échéance, sur des candidats qui, pour les plus importants, ne se sont pas encore déclarés.

Aujourd'hui, la presse se doit de commémorer la débâcle de 2002 et, fort de son sondage "exclusif", Le Parisien titre en conséquence : Vers un nouveau 21 avril ? [ici] - La conclusion de ce bref article résume les intentions du journal : Seule consolation pour la droite comme pour la gauche : la menace du FN étant cette fois identifiée, les appels au rassemblement auront plus de chance d’être entendus.

Or, ces sondages, et les commentaires qui invariablement s'y greffent, ont un effet d'amplification sur l'opinion, alors qu'ils se parent - avec une bonne dose d'hypocrisie - de neutralité et d'objectivité. L'effet d'amplification consiste à affirmer et consolider le vote FN en réinjectant les résultats précédents dans les sondages futurs et les opinions qui s'y expriment. Celles-ci se trouvent en effet confortées par la "montée du FN" annoncée un peu partout et s'enfoncent dans la brèche ouverte par "l'opinion publique" en bonne partie basée sur... des sondages !

Que l'on y compare le manque d'intérêt pour les élections "réelles" qui viennent de se tenir, où l'on constate en effet une progression du Front National, mais également une abstention record : sur 21.295.938 inscrits à ces Cantonales partielles, seuls 9.439.097 électeurs sont allés voter ! Il n'y a eu que peu de "débats" autour de cette élection "très, très locale", selon la formule un peu dédaigneuse du Premier ministre. Les résultats et les taux d'abstention n'ont guère été analysés, comme si l'on préférait discuter de candidatures "potentielles" sur la base des opinions d'un millier de personnes triées sur le volet et appâtées par une loterie qui leur permet, tout aussi virtuellement, de gagner un petit quelque chose ...

Alors que des gens se font massacrer de l'autre côté de la Méditerranée pour accéder, à côté de l'amélioration de leur condition sociale, à la liberté d'expression et la démocratie, notre pratique de la "chose publique" n'a plus rien d'un modèle du genre.

BONUS. - Voici la vidéo choisie par J.M. Bouguereau pour illustrer son billet "commémoratif" [ici].

mercredi 20 avril 2011

[Libye 2011] Vers une guerre civile sans fin ? (3)


~ note commencée le dimanche 17, actualisée les lundi 18, mardi 19 et mercredi 20 avril 2011 ~

Flux d'actualité [Al Jazeera] [libyafeb17] [Almanara Media]

BILAN. - Voilà deux mois que la Révolution du 17 Février a commencé en Libye et pratiquement un mois que la Coalition internationale y mène des opérations aériennes. Dans un premier temps, les bombardements alliés ont empêché la prise imminente de Benghazi et permis aux troupes insurgées d'avancer sur Syrte. Puis l'armée du colonel K., supérieure à tous les niveaux (armement, stratégie, entraînement des soldats ...), a mené une contre-offensive, repoussant les rebelles encore une fois jusqu'à Ajdabiya. Pendant ce temps, les pilonnages kadhafistes sur Misrata et dans les montagnes de l'Ouest se poursuivent sans que l'aviation de l'OTAN puisse y mettre fin. - Depuis quelque temps, on parle d' "enlisement" ("stalemate") pour décrire la situation militaire. Et toutes les tentatives pour amener les deux parties autour d'une table de négociation et parvenir à un cessez-le-feu ont échoué. Bien que l'expression soit encore évitée au possible, la Libye est bien en proie à une "guerre civile". Si tant est que l'unité du pays est intangible aux yeux des deux camps, la réconciliation après un tel épisode brutal et sanglant paraît très difficile. Reste alors la sécession de la Cyrénaique déjà évoquée à plusieurs reprises dans ces pages, mais qui semble hors de propos dans toutes les discussions menées sur l'avenir de la Libye. En effet, elle constituerait un demi-échec pour les trois parties engagées dans le conflit : l'Occident et les quelques pays arabes qui soutiennent les opérations militaires se verraient à nouveau contraints de "faire avec" le colonel K. sur la scène internationale et n'auraient pas réussi à faire plier le régime malgré leur impressionnante supériorité militaire et tout l'éventail des sanctions à son encontre ; les Libyens de l'Est seraient coupés de leurs familles et des ressources à l'Ouest, mais devraient également abandonner les populations de Misrata et de Zintan à leur sort ; et le colonel K. n'incarnerait plus l'unité du pays, mais se sera révélé comme un massacreur sans scrupules, mis définitivement au ban de la communauté internationale après tous ses efforts pour s'y faire accepter à nouveau. - Voici un rapide point sur la situation fait par BFM ce dimanche :


AJDABIYA. - Reuters écrit cet après-midi [ici] : Un témoin a indiqué avoir vu une dizaine de roquettes lancées sur l'entrée ouest d'Ajdabiah... - "Il reste encore quelques hommes (rebelles) près de l'entrée ouest mais la situation n'est pas bonne", a déclaré un des rebelles, Ouassim el Agouri, âgé de 25 ans, près de la porte est. - Samedi, des rebelles étaient parvenus à atteindre les faubourgs de Brega mais, après la mort de six rebelles touchés par des roquettes, ils ont dû battre en retraite et se réfugier à Ajdabiah. - La ligne de front orientale est difficile à déterminer avec précision en raison de la nature des combats, en forme de harcèlement, de pilonnages venus de loin et de la tendance grandissante des pro-Kadhafi à préparer des embuscades contre les rebelles le long de la route côtière.

SAIF AL-ISLAM KADHAFI. - Une nouvelle interview du fils du colonel K. a paru ce dimanche dans le Washington Post [ici]. Il continue de qualifier les rebelles de terroristes (Al-Qaida) et de criminels. Il estime que le seul "problème", c'est Benghazi qui sera "libérée par son propre peuple". Il pense que la démocratie n'est plus la "priorité" des gens qui veulent "la paix, la sécurité, à manger, à boire... des écoles". D'ailleurs quand il parlait "de constitution, de liberté, de démocratie" au cours de "ces dix dernières années", on lui "riait au nez" en disant : "nous voulons de belles maisons, nous voulons du bon argent, nous voulons de bons hôpitaux, nous voulons de bonnes voitures, nous voulons de bons hôtels". - Et si son père quittait le pays ? Réponse : "Somalie, deuxième acte. Tout le monde le sait". - L'entretien se conclut sur ces paroles : "Le cas de la Libye est très simple, il n'y a aucune difficulté, cela peut se résoudre très facilement. Mais si vous arrivez en disant que Kadhafi doit partir, vous compliquez la chose pour tout le monde. Alors ou bien vous voulez aider la Libye ou bien vous voulez détruire Kadhafi, vous devez choisir. Si vous voulez détruire Kadhafi, d'accord... mais ne dites pas 'je veux aider la Libye'. S'il vous plaît, ne le dites pas ... - Actuellement, la personne la plus importante en Libye, c'est le Premier ministre. Demandez à n'importe quel Libyen, [c'est] le Premier ministre. Mon père ne discute pas de contrats, de lois, d'entreprises, d'affaires... c'est le travail de l'exécutif, c'est le travail du Premier ministre. Il est la personne la plus importante en Libye, et la nouvelle Constitution prévoit un Premier ministre élu, ainsi qu'un Président élu. Mon père est comme un symbole du pays, il est symbolique... Mais ils en ont après Kadhafi, alors nous allons tous nous battre pour lui, c'est une mauvaise approche."

mardi 19 avril 2011

[Brève] Les Vrais Finlandais

La "montée du Front National", rabâchée par les sondages et réalisée aux Cantonales, n'est décidément pas un phénomène franco-français. Après feu Jörg Haider en Autriche et la petite-fille du père de tous les fascistes européens, Alessandra Mussolini en Italie, les Vrais Finlandais et leur leader Timo Soini deviennent, avec 19% des voix aux élections législatives de ce dimanche 17 avril, le troisième parti de Finlande, après les conservateurs (20,4%) et les sociaux-démocrates, qui ont sauvé la deuxième place in extremis avec 19,1%. Les centristes, premier parti en 2007 avec plus de 23%, doivent se contenter de 15,8% et de la quatrième position pour se retrouver sans doute pour la première fois dans l'opposition face à la coalition des trois autres formations. Ce qui inquiète l'Europe, c'est que les Vrais Finlandais sont contre le plan de sauvetage financier du Portugal, qui doit être approuvé à l'unanimité par les 27. Un véto finlandais condamnerait le plan d'assistance.

 Timo Soini (photo : DR via mediapart)

ACTUALISATION. - Selon une dépêche de Reuters parue ce 19 avril [ici] : Le ministre finlandais des Finances Jyrki Katainen, pressenti pour former le prochain gouvernement, a exclu mardi de faire modifier en profondeur les termes de l'aide européenne au Portugal. ... Dans ce qui pourrait être un signal adressé au parti des Vrais Finlandais, xénophobe et eurosceptique, qui est passé de 4% des voix en 2007 à 19% dimanche, devenant le troisième parti au parlement, Jyrki Katainen a déclaré que tous les partis qui participeraient à la prochaine coalition devraient soutenir le programme gouvernemental.

dimanche 17 avril 2011

À un an des Présidentielles

À un an des présidentielles, les électeurs français sont dans l'incertitude. Rien n'est fait nulle part. On ne sait pas si le président Sarkozy est candidat à sa propre succession alors que son collègue américain est déjà en campagne pour 2012. On ignore également quel sera son challenger dans l'opposition, dont le champion DSK continue de se cacher derrière son devoir de réserve. Au centre, c'est le flou total entre les anciens de la majorité qui viennent de quitter le navire et François Bayrou qui ne cesse de prendre l'eau depuis son succès en 2007. Les écologistes ont fort à faire avec la candidature très médiatique de Nicolas Hulot dont on ne connaît pas vraiment l'orientation politique. Quant à la tentative de rassemblement de l'extrême-gauche par Jean-Luc Mélenchon, on peut dire sans s'avancer beaucoup qu'elle a échoué. Seule exception, l'extrême-droite remaquillée par Marine Le Pen, qui fait un tabac dans les sondages et vient de faire un score impressionnant dans un certain nombre de cantons. 

Bien sûr que N. Sarkozy se représentera, diront les observateurs politiques. Évidemment que D. Strauss-Kahn va y aller, ajouteront certains. Et ils vont déjà imaginer le "match", pronostiquer les "scores", redouter un "21 avril à l'envers" devant la baisse de la cote de popularité du "président sortant" et la "montée du FN". Marine Le Pen va prendre des voix à Nicolas Sarkozy, dira-t-on, car "les Français préfèrent l'original à la copie".

Et à gauche ? Le vainqueur des "primaires" socialistes sera coincé entre une extrême-gauche divisée qui fera feu de tout bois et une vedette de télévision, dont la popularité imméritée sur le plan politique attirera la partie de l'électorat qui voudrait installer le palais de l'Élysée à Ushuaïa.

samedi 16 avril 2011

[Libye 2011] Vers une guerre civile sans fin ? (2)


~ note commencée le mercredi 13, actualisée les jeudi 14, vendredi 15 et samedi 16 avril 2011 ~

Flux d'actualité [Guardian] [Al Jazeera] [libyafeb17] [Almanara Media]

DIPLOMATIE. - Rencontre des ministres des Affaires étrangères du "groupe de contact" sur la Libye ce mercredi à Doha en présence de représentants du Conseil libyen de Transition (CNT). - Mousssa Koussa, l'ancien diplomate et espion en chef de Libye réfugié à Londres, qui a été autorisé à se rendre lui aussi au Qatar - "c'est un homme libre", a déclaré William Hague - ne participera pas directement à la réunion, mais mènera, semble-t-il, des discussions "en coulisses". - L'intérêt de la rencontre n'est pas très clair puisque le CNT refuse toute négociation avec le régime libyen tant que le clan Kadhafi reste au pouvoir. Et celui-ci n'a apparemment aucune intention de le quitter. De même, un cessez-le-feu n'est acceptable pour le CNT que si le régime retire ses troupes des villes occupées, et notamment de Misrata, ce que Tripoli a déjà refusé de faire.

MISRATA. - De nouvelles images en provenance de la ville martyre, tournées par une équipe de la chaîne britannique ITV, qui a rejoint Misrata par la mer [ici]. Au début du sujet, une carte montre le partage de la ville en deux zones. Une plan détaillé avec des légendes en anglais a été mis en ligne par libyafeb17 [ici]. Le reportage diffusé le 11 avril se conclut par un bombardement d'une aire de jeux, où l'un de enfants touchés ne survivra pas à ses blessures : ces images sont difficiles à supporter ...


INFORMATIONS. -  Aucune d'elles n'est neutre : Le mouvement de jeunesse libyen (libyafeb17), AlManara et beaucoup de comptes Twitter militent pour la cause révolutionnaire, le Conseil de Benghazi "enjolive" souvent les informations au profit des combattants comme les médias de Tripoli les "déforment" en faveur du régime. Al Jazeera est basée au Qatar, qui joue un rôle important dans le soutien économique, logistique et militaire de l'insurrection, et la plupart des médias occidentaux ont clairement pris parti pour l'intervention de la Coalition internationale. - Nous retrouvons donc cette constellation binaire, qui a pu frapper les esprits lors de l'attaque de l'Irak en 2003 : C'est un conflit entre les "axes" du bien et du mal. - Mais cette "vision du monde" ne prend pas en compte les zones d'ombre, cette fameuse "nuit où tous les chats sont gris". Elle ne prend pas en considération la "dialectique" entre le bien et le mal qui traverse et hante les individus. Car chaque homme, pour autant qu'il est "humain", a des arrière-pensées qui touchent parfois aux "instincts" les plus "vils", dissimulés sous un masque de bonté où le sourire s'est figé. - A l'image de cet homme balloté entre ses instincts et son intelligence, les informations parlent le double langage du désir et de la raison : Moi, "l'informateur", je livre l'analyse rationnelle d'une situation dont par ailleurs, entre les lignes, je désire la "fin heureuse" que "tout le monde" espère. Plus encore qu'en Libye, cette attitude s'est illustrée en Côte d'Ivoire, où des fraudes électorales et des massacres ont été commis des deux côtés, et où une plus grande "objectivité", que les journalistes aiment à revendiquer, eût été souhaitable ...

GROUPE DE CONTACT. - Voici le communiqué final, résumé en fin d'après-midi par Al Jazeera. Les participants ont convenu des points suivants :

- Une solution politique est le seul moyen de garantir une paix durable en Libye ; le groupe réaffirme son engagement fort pour la souveraineté, l'indépendance, l'intégrité territoriale et l'unité nationale de la Libye.
- La présence prolongée de Kadhafi serait un obstacle à toute résolution de la crise.
- Il est nécessaire de surveiller toute menace potentielle émanant d' "éléments extrémistes" qui pourraient chercher à profiter de la situation en Libye.
- Il est à noter que le régime de Kadhafi s'affaiblit à mesure que ses membres le quittent.
- Il faut soutenir les efforts de l'ONU pour aider le peuple libyen à développer un programme de transition politique, un processus constitutionnel et électoral.
- Il s'agit de continuer à fournir de l'assistance à l'opposition, y compris des aides matérielles et humanitaires.
- Un  mécanisme financier [fonds] temporaire pourra permettre à la communauté internationale de subvenir aux besoins financiers et structurels à court terme en Libye.
- 3,6 millions de personnes pourraient avoir besoin d'assistance humanitaire.

MOUSTAFA ABDEL JALIL. - Le président du Conseil national de transition (CNT) a publié une courte tribune dans Le Monde, datée du 12 avril et intitulée La liberté a besoin de temps [ici]. En voici un extrait significatif : ... Nous ne demandons pas que l'on fasse la guerre en notre lieu et place. Nous ne demandons pas à des soldats étrangers de venir contenir l'ennemi. Nous n'attendons pas que les amis de la Libye libèrent notre pays pour nous. Nous demandons que l'on nous accorde le temps et les moyens de constituer une force qui tiendra en respect les mercenaires et les prétoriens du dictateur puis libérera nos villes. - La communauté internationale, sauf à se déjuger, doit continuer à nous venir en aide, pas seulement grâce aux avions mais aussi sous forme d'équipements et d'armements. Qu'on nous octroie les moyens de nous libérer, et nous étonnerons le monde : Kadhafi n'est fort que de notre jeunesse et de notre faiblesse de départ ; c'est un tigre de papier ; attendez, et vous verrez. ...

CHAMPS DE BATAILLE. - Ce soir, le quotidien français fait le point sur la situation militaire [ici] : Si les forces rebelles ont repris la ville d'Ajdabiya, ... les unités pro-Kadhafi y maintiennent leur pression par des tirs d'artillerie sporadiques. - Les deux camps se disputent toujours la route qui relie Ajdabiya au port pétrolier de Brega, qui est encore occupé en grande partie par les troupes de Kadhafi. - Deux grosses explosions ont retenti mercredi à Tripoli. Des habitants ont affirmé avoir entendu des avions survolant la capitale avant les explosions. ... - A Misrata, ... la situation est toujours critique pour les 300.000 habitants, assiégés et bombardés depuis sept semaines. L'UE envisageait l'ouverture d'un couloir humanitaire maritime sous protection militaire pour aider la population, mais les ministres européens des Affaires étrangères ne sont pas parvenus à s'entendre mardi sur les grandes lignes d'une telle opération. - D'intenses bombardements ont visé lundi les abords de la ville de Nalout, dans l'ouest, provoquant un exode important de populations vers le poste-frontière tunisien de Dehiba. - Zintan, .... toujours assiégée, continue de résister.

jeudi 14 avril 2011

[Cantonales] La progression du Front National

Signalé par Le Canard Enchaîné de ce mercredi, un article de L'Humanité daté du 6 avril [ici] et signé Jérôme Fourquet (directeur adjoint du Département Opinion et Stratégie d'Entreprise de l'Ifop) analyse la progression du FN au second tour des Cantonales. L'importance de l'étude tient à ce qu'elle se fonde sur les résultats d'une élection réelle et non sur des déclarations d' "intentions de vote", fortement sujettes à caution. L'analyse se base sur les résultats des 394 cantons où le parti d'extrême-droite a pu se maintenir au second tour. - L'auteur commence ainsi :

En dépit des commentaires sur « l'échec du FN », analyse fondée sur le très faible nombre de cantons gagnés, on constate une progression importante de plus de 10 points, quelle que soit la configuration de second tour (voir tableau ci-dessous).


La conclusion s'impose d'elle-même : Le FN progresse autant face au PC que face au PS ou à l'UMP. Cela démontre qu'il dispose de réserves importantes et diversifiées. Dans les cantons où se déroulait un duel droite-FN, la progression de près de 11 points du score du FN ne peut s'expliquer sans reports significatifs d'une partie de l'électorat de gauche. - ... De la même façon, la forte progression du FN face à la gauche indique qu'une part significative de l'électorat de droite du premier tour dans ces cantons n'a pas opté pour le « ni, ni » et a voté Front national au second tour.

L'objection qui voudrait expliquer la poussée du FN par une plus grande mobilisation de son électorat au second tour est rejetée par Jérôme Fourquet : En revanche, on n'observe pas de lien évident entre l'ampleur de la progression du FN entre les deux tours et l'évolution du nombre de suffrages exprimés (indicateur qu'il nous semble plus pertinent à prendre en considération que la stricte participation car, dans ce type de configuration, le nombre de bulletins blancs et nuls est assez élevé et peut venir contrebalancer une hausse de la participation). Comme le montre le tableau suivant, le nombre d'exprimés recule très faiblement dans les cantons où la poussée du FN a été la plus forte mais évolue également assez peu dans les cantons où le vote frontiste a le moins progressé :


Voici,  avec la conclusion générale de cette étude instructive, un passage en revue des meilleurs scores réalisés par le Front National au second tour des Cantonales : Au total, sur les 394 cantons où il était présent en duel au second tour, le parti de Marine Le Pen passe de 25,2 % au premier tour à 35,6 % au second et, en nombre de voix, de 623.682 à 899.944, soit plus de 276.000 suffrages gagnés en une semaine. La progression du FN entre les deux tours concerne les bastions historiques : + 17,2 points à L'Isle-sur-la-Sorgue dans le Vaucluse, + 17,1 à Guebwiller dans le Haut-Rhin, + 16,9 % au Luc dans le Var ou bien encore + 16 à Canet dans les Pyrénées-Orientales, par exemple, mais également des terres de conquête : + 15,8 points à Marennes, en Charente-Maritime, + 15,3 à Lignières dans le Cher ou + 14,4 à Pleine-Fougères en Ille-et-Vilaine. - Ces chiffres viennent souligner l'ampleur de la « poussée frontiste », ce parti franchissant la barre des 40 % dans pas moins de 83 cantons et dépassant celle des 45 % dans les 22 cantons suivants (voir tableau ci-dessous).



 CQFD.