mardi 7 novembre 2006

[France 2007] Prologue

France 2007
PROLOGUE
commencé le mardi, 24 octobre 2006


La bataille sera médiatique ou ne sera pas. En 2002, l’insécurité dominait les débats, expliquant en partie la présence au second tour des présidentielles françaises de Jean-Marie Le Pen (FN, 16,88% au premier tour). Une autre raison pour cette présence plutôt surprenante, - qui contraignit l’électorat de gauche à plébisciter Jacques Chirac (UMP, 82,21% des suffrages exprimés au second tour, contre seulement 19,88% au premier) et lui donner ainsi une légitimité inattendue, - fut le bon score de l’extrême gauche au premier tour (environ 10% des suffrages exprimés pour Arlette Laguiller, LO, et Olivier Besancenot, LCR, sans parler des quelque 16% pour Robert Hue, PCF, Noël Mamère, Les Verts, Jean-Pierre Chevènement et Christine Taubira) avec pour effet de barrer la route à Lionel Jospin (PS, 16,18% des suffrages exprimés), qui connut alors un grand moment de solitude et dont l’adieu à la politique restera certainement dans les "médiathèques" aux côtés du fameux "au revoir" élyséen de Valéry Giscard d’Estaing en 1981.
Cette situation française n’était pas sans rappeler, de loin bien sûr, les élections législatives de 1932 en Allemagne où les deux grands partis de gauche (les socialistes du SPD avec 20,4% des voix et les communistes du KPD avec 16,9% des voix) auraient peut-être pu empêcher ou du moins retarder la montée du fascisme, - le parti national-socialiste, NSDAP, totalisant "seulement" 33,1% des voix lors de ces dernières élections libres, - en concluant une alliance réaliste, comme l’était le "Programme Commun" français, cinquante ans plus tard, qui avait permis l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand après une longue gouvernance de la droite gaullienne puis giscardienne. Or la gauche révolutionnaire allemande (KPD) n’avait aucune envie de se prêter au jeu démocratique, bien au contraire: avec l’arrivée au pouvoir du parti hitlérien, elle se promettait une situation révolutionnaire, qui servirait ses intérêts. Le muselage, l’assassinat, la déportation de tous les opposants politiques allemands l’aura rapidement détrompée. Cependant, aujourd’hui encore, l’extrême-gauche allemande (PDS-Linkspartei) semble préférer une "Grande Coalition" entre le SPD (Parti social-démocrate) et la CDU (Union Chrétienne-Démocrate) d’Angela Merkel à une union plus "réaliste" de la gauche.
En France, le candidat du Parti Socialiste connaîtra sans doute une nouvelle fois un grand moment de solitude lors du premier tour des prochaines présidentielles. Dans l’univers médiatique et "virtuel" qui est le nôtre, les erreurs d’un passé encore récent ne semblent pas peser plus lourd que le réalisme politique. Marie-Georges Buffet (Parti Communiste Français), Arlette Laguiller (Lutte Ouvrière), Olivier Besancenot (Ligue Communiste Révolutionnaire), José Bové (ex-porte-parole de la Confédération Paysanne) et les autres vont certainement profiter de la tribune en effet importante et utile qui leur est offerte pour défendre leurs idées; mais, pour des raisons rhétoriques de polémistes, ils ne manqueront pas non plus, à l’image de Jean-Marie Le Pen (Front National) ou de Philippe de Villiers (Mouvement pour la France), de mettre dans le même sac le candidat socialiste et les divers candidats de la droite, ajoutant ainsi à la confusion ambiante et à la désorientation de l’électorat français. Et c’est justement cette désorientation qui devient, par la négative, l’arme la plus redoutable des populistes, car elle leur sert d’argument pour adresser des "messages" clairs et simples au "peuple", dans un constant déni de la réalité politique que nous savons complexe, multiforme, difficile à déchiffrer, faite parfois d’alliances "contre nature" et placée sous la pression constante de la situation économique qui se joue avant tout à l’échelle mondiale.
Mais, pour l’heure, il n’est pas question de moments de solitude au PS puisque trois candidats s’adonnent depuis mardi dernier (17/10/2006) à des joutes médiatiques inédites, sous la forme de "débats" diffusés par la chaîne parlementaire Public Sénat et repris par la chaîne privée d’information continue LCI. Cette "investiture" en effet inédite au PS, qui met en scène (et en compétition) Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius, est certainement un "bon coup" médiatique et inaugure de fait la "bataille médiatique" des présidentielles qui, gageons-le, nous réserve encore quelques surprises.